En matière de transition écologique et énergétique, difficile de ne pas se sentir pointés du doigt dans nos habitudes de consommation, ou, à l’extrême inverse, complètement déconnectés des enjeux climatico-politiques mondiaux qui paralysent plus qu’ils ne motivent… 

À l’heure où les répercussions d’une consommation effrénée des ressources planétaires affectent déjà notre santé, notre climat et notre biodiversité, Présence dresse un constat et tente de voir ce que les collectivités locales et la société civile entreprennent là où les pouvoirs dirigeants semblent muselés. 

Le climat, ce n’est plus un débat

Si dans notre pays, les impacts peuvent encore légèrement échapper à notre perception - ça commence quand même à chauffer-, il n’est plus à démontrer que l’augmentation de la concentration des gaz à effet de serre (CO2 ) va continuer à entraîner des phénomènes de plus en plus dramatiques: fortes chaleurs, feux de forêts, inondations, sécheresses, flambée des prix alimentaires, perte d’habitats et d’espèces animales, risques sanitaires.…
Cette urgence écologique et climatique a fait son entrée dans les objectifs de la politique énergétique européenne. Lors de la conférence de Paris sur le climat (COP21) en décembre 2015, 195 pays ont adopté le tout premier accord universel juridiquement contraignant.
L’accord définissait alors un plan d’action international visant à mettre le monde sur la bonne voie pour éviter un changement climatique dangereux, en limitant le réchauffement à 2°C, tout en acceptant d’entreprendre des efforts pour le maintenir sous la barre de 1,5°C. 
L’accord de Paris, déjà à crédit
L’Union Européenne a formulé lors de la COP21 trois enjeux clé à atteindre à l’horizon 2030 (*):
  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % (par rapport aux niveaux de 1990)
  • Porter la part des énergies renouvelables à au moins 32 %
  • Améliorer l'efficacité énergétique d'au moins 32,5 %
(*) Le cadre d’action a été adopté par le Conseil européen en octobre 2014. Les objectifs en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique ont été révisés à la hausse en 2018.

Une marge de manœuvre à onde courte et qui se resserre inexorablement, alors que le triste anniversaire du Jour de dépassement, qui calcule la date à laquelle l’humanité a déjà consommé les ressources que la nature peut renouveler en un an, intervient de plus en plus tôt.

Cela signifie qu'à l'échelle de la planète, nous avons pêché plus de poissons, abattu plus d’arbres et cultivé plus de terres que ce que la nature peut nous offrir au cours d'une année. Quant à nos émissions de gaz à effet de serre, elles ont été plus importantes que ce que nos océans et nos forêts peuvent absorber. 

Autrement dit, depuis le 29 juillet 2019, l’humanité vit à crédit, et ce, pour le reste de l’année…

Si on ne peut que saluer l’inscription de ces enjeux et de l’urgence à agir, les impacts réels restent donc à ce stade incertains, de même que les nouvelles ambitions de l’UE en la matière. 

Le rapport annuel Brown to Green de l’organisation Climate Transparency, publié en novembre, déplore en effet le fait que les principales économies mondiales, rassemblées au sein du G20, n’en font pas assez pour limiter la hausse des températures à 1,5°C. 

Les émissions mondiales ont encore augmenté l’année dernière, selon le rapport réalisé par ce réseau non gouvernemental rassemblant plusieurs chercheurs et environnementalistes.

Pour que l’accord de Paris soit honoré, il est clair que les pays du G20 doivent être des leaders en matière climatique, a déclaré Lena Donat, de l’organisation environnementale Germanwatch, parmi les principaux auteurs du rapport.

Parallèlement, Climate Transparency a mis en lumière que près de la moitié des pays du G20 devraient atteindre, voire dépasser, les objectifs qu’ils se sont fixés. Ce qui devrait leur permettre d’établir, pour l’année prochaine, de nouveaux objectifs, encore plus ambitieux.

Entre-temps, la planète a déjà gagné 1°C. 

Retour au local (littéralement)

Avec son Plan d’Action en faveur de l’Énergie Durable et du Climat (PAEDC), approuvé par le conseil communal en juin dernier, la commune de Dison s’est engagée à réduire ses émissions de CO². Comment relever ce défi? Rencontre avec Julia Luxen, Conseillère en énergie au sein de la commune. 

Pourquoi établir un plan climat à Dison?

Julia Luxen: Tous les échelons de pouvoirs sont sensibilisés et mobilisés à la problématique des émissions des CO², les citoyens également. La Province avait déjà réalisé un Plan Climat et avait mis à disposition des communes une série d’outils pour faciliter ce travail, ce qui a certainement d’autant plus motivé et convaincu la commune de Dison d'élaborer le sien et de signer la Convention des Maires. Il s’agit d’une convention européenne qui, globalement, oriente ce qu’il faut faire et comment.

Pensez-vous que les régions et les citoyens ont une marge de manoeuvre plus grande pour prendre des mesures concrètes?

J.L.: Je pense en effet qu'il y a plus de leviers d'action que le citoyen ne le pense. On remarque d’ailleurs que certaines communes arrivent à atteindre très facilement l’objectif de réduction des émissions de 40%, celles qui ont des parcs éoliens par exemple. Je pense aussi qu’on ne communique pas assez sur les actions et initiatives qui existent déjà. Certaines mesures prennent de l’ampleur et sont très intéressantes, par exemple le programme de transition énergétique RenoWatt du Gouvernement wallon, axé sur la rénovation des bâtiments publics financé par un tiers investisseur.

À titre individuel, peu importe comment on commence, finalement, tant que l'on tend vers un certain changement. Même sans pouvoir directement convaincre les multinationales de modifier leur système de production, l’idée est de, paradoxalement, se recentrer sur ce que l’on veut soi, sur le monde dans lequel on souhaite vivre et de le projeter. Si 10% de la population arrive à mettre des choses en place au quotidien, avec ce qui leur est accessible, je suis convaincue qu’il y aura du changement.

Dans votre état des lieux du territoire et lors de votre appel à idées aux habitants, quels sont les enjeux qui se sont démarqués? 

J.L.: Les idées citoyennes étaient surtout portées vers l’utilisation rationnelle de l’énergie et l’environnement direct avec la propreté publique et la gestion des déchets. 

Il faut faire la distinction entre les mesures d’adaptation et les mesures d’atténuation. Le fait de moins utiliser son véhicule, de faire des économies de chauffage et d’électricité, d’acheter des produits plus locaux, sont des pistes évidentes pour chacun en termes d’atténuation, elles font partie des idées qui ont été formulées par les citoyens.

La partie adaptation est plus liée à notre analyse et met en évidence les émissions de CO² sur la commune par secteur. Les chiffres montrent notamment que 52% des émissions concernent le transport, 35% le logement et 7% le tertiaire (patrimoine communal, écoles, entreprises et commerces). Étonnamment, l’impact des bâtiments communaux est donc moindre, l’habitat est par contre très vétuste sur le territoire et c’est sur ce point que nous devons agir. 

« À Dison, les chiffres montrent notamment que 52% des émissions concernent le transport, 35% le logement et 7% le tertiaire. »


Quelles sont les actions envisagées pour le transport et le logement?

J.L.: En matière de mobilité, plusieurs actions d’aménagement des infrastructures sont prévues: des bornes électriques pour les voitures et les vélos, la mise en place de parkings de co-voiturage, des parkings sécurisés pour les vélos, le développement du réseau cyclable,… Il y a aussi une part consacrée à la sensibilisation autour de ce pôle, par le biais d’initiations à l’éco-conduite ou l’organisation de balades exploratoires, qui ont pour but de repérer et de promouvoir les chemins alternatifs sur la commune.

Au niveau du logement privé et tertiaire, le travail se centrera principalement sur l’accompagnement, les subventions, les primes, les incitants et la sensibilisation également.

À titre d’exemple, les primes communales Énergie ne sont pas forcément connues de tous et encouragent les disonais à investir dans des travaux pour améliorer la performance énergétique de leur bâtiment. Des chantiers participatifs peuvent aussi être mis en place. Développer l’entraide et le partage de savoirs avec des citoyens éco-guides qui sont formés et qui peuvent donner des conseils à leurs voisins est une autre piste, de même que des éco-team dans les entreprises… Il faut faire fonctionner le bouche-à-oreille sur des éléments concrets et significatifs qui concernent les gens.

L’efficacité de l’éclairage public est une mesure phare pour 2026, avec -50% de consommation visée. Certaines autres installations semblent très bien sur papier, mais l’énergie que demande la production de ces installations est énorme. La priorité, c’est de consommer moins, de consommer mieux et puis de produire de l’énergie. Outre les économies, consommer moins, c’est aussi une façon de lutter contre la précarité énergétique. Le social et l’environnemental sont extrêmement liés et les enjeux sont très importants dans chacune des sphères.


« Outre les économies, consommer moins, c’est aussi une façon de lutter contre la précarité énergétique. »
 


Quel est l'idéal à atteindre en termes d'émissions et pour la conduite du Plan Climat?

J.L.: Avec le comité de pilotage, nous nous sommes donné l’objectif d’utiliser d’ici 2050 tout le potentiel d’énergie renouvelable, ce qui réduirait la consommation de CO² de 60%. Il s’agit d’une projection, mais nous souhaitons garder cette vision sur le long terme tout en avançant sur du concret. 

Ce qui me motive, c’est de mettre les gens ensemble pour essayer d’améliorer leur quotidien, de leur permettre de partager leur vision du territoire, plutôt que d’externaliser cette analyse à un bureau d’étude. Cela permet de se confronter à la réalité. 

Avec l’échevin Stephane Mullender et le comité de pilotage, nous souhaitons prochainement inviter les citoyens à des groupes de réflexions avec des sujets thématiques, et donc favoriser la participation. C’est une manière de valoriser l’existant, de s’inspirer, de faire parler les gens qui sont déjà actifs dans l’un ou l’autre domaine lié à l’énergie, à l’environnement… et de se donner envie d’en faire plus!

Il y a une réelle opportunité de développer une économie plus locale à Dison, que ce soit au niveau de la rénovation des bâtiments, de la production d'énergie et d'alimentation. Nous avons des entreprises actives dans le domaine, un tissu associatif dynamique, c’est motivant pour agir.

« Il y a une réelle opportunité de développer une économie plus locale à Dison. »