Pour le dernier dossier de la saison, Présence se plonge dans les bons souvenirs du passé, ces "albums photos intérieurs" qui déterminent et construisent nos parcours. Une invitation légère à ne pas oublier... de ne pas oublier !













La mémoire émotionnelle, différente de la mémoire utilitaire, nourrit notre sentiment d’identité et de sens dans nos existences. Tout ce qui est chargé positivement, ce que l’on a vécu à un moment de notre vie, a le potentiel de nous recharger en bonne humeur dans le présent.

Expérience vécue vs expérience mémorisée, une éternelle réécriture

Le cerveau trie ce qui l’intéresse. Et c’est une bonne nouvelle, pointe Yves-Alexandre Thalmann, psychologue spécialiste de psychologie positive et de sciences cognitives : grâce à cela, "on a toujours une deuxième chance d’être heureux! Le bonheur ne peut se construire que dans les souvenirs, pas dans l’instant présent. D’ailleurs, si on propose aux gens de vivre une vie où ils n’auront que des moments heureux mais qu’ils ne pourront pas s’en souvenir, beaucoup disent non".

L’importance de faire ressurgir les souvenirs positifs

Nous pouvons apprendre à faire ressurgir nos souvenirs agréables, et ainsi bénéficier des effets positifs de revivre une situation que nous avons vécue comme satisfaisante et motivante.

De plus, si nous évoquons de bons souvenirs en permanence pour nous aider à renforcer nos ressources actuelles d’adaptation, nous pouvons créer un système de protection et de bien-être qui s’autoalimente. Plus nous nous concentrons sur ce qui nous est arrivé de positif dans la vie, plus nous rechargeons nos batteries d’énergie positive. Cette énergie positive nous fait nous sentir bien, et elle augmente également la possibilité que nous réagissions aux événements négatifs avec moins de pessimisme.

Sources: Comment se construisent les souvenirs?, Claire Sejournet, Psychologies Magazine, 1.12.20 – L’importance de nos souvenirs, RTBF, 27.07.18

Création
"C'est assez dire", du récit à la scène

Depuis quelques mois, le Centre culturel de Dison récolte les souvenirs de personnes âgées pour les transposer dans une création mêlant théâtre et musique. Jacky Lacroix coordonnent ce projet, intitulé "C’est assez dire", qui a démarré par l’envie de pointer deux problématiques en temps de confinement : "les personnes âgées se sont trouvées très isolées en maisons de repos, les artistes ne pouvaient plus travailler, nous avons eu envie de créer un lien entre ces deux réalités."



La première étape a été de s’adresser au Couquemont pour interviewer par téléphone les résident·e·s : "il y a une dizaine de participant·e·s, ces personnes ont des choses à raconter, elles détiennent la mémoire de Dison. L’écriture du spectacle touche à sa fin, la seconde étape sera de mobiliser des artistes autour de cette création, ce qui nous occupera certainement toute la saison prochaine".

Les souvenirs s’estompent au fil du temps, qu’ils aient été trop dits ou pas assez. De la même manière, cette création se jouera des frontières entre le réel et l’imaginaire, car la fiction sublime la réalité... ou serait-ce l’inverse?

Extrait

"Ah ben moi le théâtre, je n’y allais pas beaucoup. On allait parfois au cinéma le dimanche, il y a eu le cinéma des familles et le Caméo. Mon père aimait les westerns, alors j’en ai vu plein. Je n’aimais pas trop ça, alors je préférais me faire mes propres histoires dans ma tête, je crois que j’aurais dû les écrire. Heureusement que tu es là pour ça, finalement! C’est bien un livre, que tu vas faire, là, avec ce qu’on te raconte?" – Lucine.●


Témoignages
Quel a été le plus beau jour de votre vie?

Nous avons tou·te·s en mémoire des moments que l’on regrette, que l’on aurait voulu capturer pour toujours, ou que l’on espère revivre. Découvrez notre collecte des jours heureux!

M.C.
Les côtelettes sont en train de cuire dans la poêle. Notre petite famille est prête à se mettre à table. Je ne participe pas beaucoup à la préparation du repas, obligée de me reposer un maximum. C’est pour la bonne cause, une petite sœur est en préparation. Soudain, le téléphone sonne. Zut, juste au moment du souper! T. décroche, je tends l’oreille, le ton n’est pas très rassurant... C’est mon médecin traitant. Je l’ai appelé cet après-midi pour un léger malaise.

Le résultat de la prise de sang est effrayant, une maladie de femme enceinte grave et rarissime. "Je vous envoie à l’hôpital". Mon gynécologue est déjà prévenu et m’attend. T. prévient ses parents pour qu’ils prennent en charge notre aîné à l’entrée de la clinique. Ils y sont. Avant de le quitter, je serre très fort mon fils dans mes bras et je sanglote intérieurement en pensant que c’est peut-être la dernière fois. Je sais que je risque encore plus pour ma vie que pour celle de ce petit bout de 7 mois et demi qui dort dans mon ventre. J’ai si peur de les abandonner tous les trois.

Le gyné m’attend à l’entrée : "je ne vous cache pas que c’est grave". Pas très psychologue ! Il faut une césarienne d’urgence. Mais avant ça, il faut du sang, beaucoup, et mon type de sang est rare.

J’attends avec T., longtemps. page6image58878464Je lui masque mon angoisse et mon chagrin. On se force à parler de choses anodines, on décide même du prénom. Mais tout me semble si futile... Tant d’idées noires passent dans ma tête que je ne peux pas dire. Je pense que peut-être mon bébé, s’il naît, ne connaîtra jamais sa maman. Je pense à ceux qui m’aiment et que j’aime tant.

On vient me chercher. On a enfin reçu le sang. Je dis adieu, sans en avoir l’air, à l’homme que j’aime. Je sanglote dans ma tête. Je crois que je prie à ma façon.

Je fais page6image58875968la forte. On m’endort. J’ouvre les yeux: "mon bébé?" Tout de suite, une voix me répond avec douceur : "elle va bien!" Je veux en savoir plus, on me rassure. Puis T. est là, il me sourit ! Je peux me rendormir...

C’est le plus beau jour du monde!


Mariama Camara


Le jour où on m’a dit que j’avais le visa pour venir en Belgique fut mon jour le plus heureux. J’ai attendu une semaine pour avoir le billet d’avion, j’ai atterri à Bruxelles, ma fille qui vivait déjà en Belgique m’attendait à l’aéroport. J’étais très heureuse de la revoir. C’est ma fille qui a souhaité que je vienne pour recevoir des soins médicaux.

Je n’ai vu que des Blancs quand je suis arrivée, j’ai pris l’ascenseur et puis l’escalator. Je ne connaissais ni l’un ni l’autre.

J’avais un peu peur et ma fille me tenait la main. Il y avait beaucoup de monde dans l’aéroport et je ne comprenais pas la langue. C’était le 30 septembre 2011, il pleuvait dehors et il faisait un peu frais.

Et le plus grand jour de ma vie, mon plus grand souhait, c’est d’avoir ma carte d’identité belge.


Montserrat Gonzalez



Le 13 août 2018.

Nous n’étions pas au courant que notre chienne Princesse attendait famille. Cette fin de matinée-là, elle cherchait à se poser afin de se sentir en sécurité. J’ai finalement compris et je me suis emparée de son coussin pour le déposer dans la salle de bain afin qu’elle soit isolée. Le travail avait commencé, j’étais vraiment paniquée!

Le premier petit chiot était toujours dans sa poche, je ne savais pas quoi faire. J’ai donc appelé ma belle- sœur à la rescousse. En attendant son arrivée, j’ai percé la poche et coupé le cordon. Quand ma belle-sœur et ma nièce sont arrivées, le deuxième petit chiot était en train d’arriver. Je ne l’ai pas vu et il est tombé à terre, j’ai failli lui marcher dessus! Heureusement, tout s’est bien passé, tout le monde était en bonne santé.

Au début, Princesse ne voulait pas les nourrir. Me voilà devenue maman de deux chiots que je devais nourrir toutes les deux heures. Au fur et à mesure, Princesse a accepté de les nourrir et j’ai eu un peu de répit.

Aujourd’hui, Biscuit est toujours à la maison et elle fait de chaque jour un véritable bonheur.


Yahia Benotmane

Le plus beau jour de ma vie était le 18 avril 2021.

Ce jour-là, il était 4h30 du matin, je me suis levé pour aller manger quand j’ai aperçu mon chat en train de miauler devant la porte du jardin. Ça faisait une semaine que mon chat Aswad avait disparu.

Nous pensions qu’il s’était perdu ou même pire, qu’il était mort. Tout le monde était triste, surtout moi, parce qu’il fait partie de la quatrième génération de sa descendance et c’est le seul chat qu’il nous reste à la maison, donc on y tient beaucoup. Ça m’a ému et ça reste un jour heureux pour moi.


Jonathan Vandeweyer



Le jour le plus heureux de ma vie est, à mon sens, le 14 mai 2011. Ce jour-là, j’ai rencontré la fille qui allait devenir l’amour de ma vie. Il faisait très beau et nous devions nous voir. Nous nous sommes donné rendez-vous au cinéma Le Palace à Liège. J’y suis arrivé avec quelques minutes d’avance et je l’ai attendue. À son arrivée, je suis tombé immédiatement sous son charme, et bien que nous étions diamétralement opposés, je nous voyais ensemble pour longtemps.

N’étant pas quelqu’un de très subtil, je décidai, pour marquer le coup, de la prendre dans mes bras et lui proposai de nous balader. Nous avons conjointement décidé de nous diriger vers le Jardin botanique afin de faire plus ample connaissance ; ce que nous fîmes le reste de la journée. Quelques heures plus tard, je décidai de l’inviter à partager un repas chez moi. Nous nous mîmes donc en route et nous arrivâmes quelques dizaines de minutes plus tard.

Une fois arrivés, nous avons mangé en compagnie de ma mère, mon frère, mon cousin, la cousine de ma mère et sa fille. En fin de soirée, je décidai de la raccompagner chez elle, ce que je fis.

Sa maison étant située non loin de chez moi, elle me proposa de rester afin de faire connaissance avec son papa autour d’un repas. Nous avons donc mangé, avec le peu d’appétit qu’il nous restait puisque nous avions mangé chez moi au préalable. Le souvenir que j’ai de cet homme est à la fois un côté très pédagogue et de l’autre, très "brut de décoffrage". À la fin de cette soirée, je suis rentré chez moi avec le cœur léger et des papillons dans le ventre.

Les jours qui suivirent, nous nous vîmes régulièrement et au bout de six mois, nous nous sommes fiancés. Malheureusement, notre idylle se termina un an et demi plus tard.


Fabienne Bastien, Willy et Maxime Constant



Le plus beau jour de ma vie, c’était le 20 décembre 2003. Ce jour-là, j’ai appris que j’allais être maman, après 17 ans à m’entendre dire qu’il ne me serait jamais possible d’avoir un enfant naturellement. J’avais du retard, mon mari m’a dit de faire un test, mais moi j’étais à cent lieues de penser à ça. Un samedi matin, je suis allée faire une prise de sang, avant d’aller travailler.

On m’avait dit d’attendre 15h pour avoir les résultats, mais le temps ne passait pas assez vite! J’ai rappelé à 13h, et là, on m’a annoncé que j’étais bien enceinte de plus ou moins six semaines.

J’ai appelé mon mari, je lui ai dit "félicitations au futur papa!". Je suis rentrée à la maison et suis tombée dans ses bras en pleurs, c’était tellement inattendu, j’avais fait un trait sur ma vie de maman. C’était 5 jours avant Noël, ce fut mon plus beau Noël, un moment extraordinaire.

Mon fils Maxime est né, il aura 17 ans le 24 août, c’est notre plus grand bonheur, je l’ai espéré longtemps et il me le rend bien, je souhaite à tout le monde d’avoir un enfant comme lui.