Toutes les femmes ne naissent pas douces, empathiques ou dotées du mystérieux gêne de l’instinct maternel.

Tous les hommes ne sont pas frondeurs, dévorés d’ambition ou habiles de leurs mains.

Ces postulats caricaturaux et bien d’autres ont la dent dure, les répercussions sociales qu’ils engendrent aussi…









Société
Toutes concerné·e·s


Allez? Si on balançait directement, non pas ton porc, mais les mots qui titillent, émeuvent ou agacent lorsqu’on aborde le sujet des inégalités femmes-hommes? Sexisme, féminisme, stéréotypes de genre, patriarcat… des mots compte double voire triple à l’échelle des émotions qu’ils suscitent. 


En 2020, on pourrait penser que bien des combats ont déjà été menés et que, dans le pays qui nous a vu·e·s naître - dans une rose ou dans un chou - le débat sur l’égalité est passé de mode. 

Ce serait oublier que le sexisme, autrement dit la discrimination basée sur le sexe, est un fardeau systémique, un concept socialement construit. 

Ce serait donc oublier que, si la Belgique fait partie des bons élèves en matière d’égalité, sa progression est lente. Très lente. L’inégalité salariale est toujours une réalité, puisque le partage des tâches peine à s’équilibrer et conduit les femmes à subir une pénalisation professionnelle (temps partiels pour s’occuper des enfants, difficultés d’accès à des promotions, etc.).

Ce serait oublier aussi que les corps des femmes sont objetisés dès le plus jeune âge, que leur apparence est sans cesse soumise au jugement, que ce soit pour vendre, dénigrer, "draguer" ou juste pour rire.

Ce serait omettre également qu’il y a encore quelques semaines, l’avortement était inscrit dans le Code pénal comme un crime contre l’ordre des familles et la moralité publique.

Ce serait oublier enfin le manque de considération et de débat politique autour des féminicides (22 femmes en ont été les victimes en Belgique en 2019), parfois encore repris dans la presse comme "crimes passionnels" ou "drames conjugaux".

Qu’il soit volontaire ou non, inoffensif ou non, le sexisme donne encore et toujours lieu à des différences de traitement bien réelles entre les femmes et les hommes. 

Nier le lien de cause à effet entre ces écarts et les rôles factices qui nous ont été attribués de façon arbitraire en fonction de notre "genre" (voir définition plus bas), nier qu’il est important de réfléchir à notre culture basée sur la domination masculine, ou encore considérer les élans d’expression féministe comme une menace, c’est certainement risquer de voir les phénomènes cités plus haut - et bien d’autres qui n’ont pas été évoqués ici - continuer à progresser, en Belgique et dans le monde entier.


Entretien
Un sexisme ordinaire, mais pas anodin

Rencontre avec Géraldine Bogaert, de la compagnie Ébullition Théâtre, qui accompagné des ateliers de création collective théâtrale proposés par les régionales Verviétoises des FPS (1) et de PAC (2) autour du sexisme ordinaire. Au terme de 4 mois de recherche et d’exploration, l’atelier dévoilera le fruit de son travail avec "Chroniques d’un sexisme ordinaire" le 29 février prochain au Centre culturel de Dison. 


Peux-tu nous en dire plus sur ton processus de création lors des ateliers?

Il s’agit d’un processus où l’on part d’une page blanche, d’une thématique générale ou d’une envie d’explorer un sujet. On travaille avec des techniques, des exercices qui permettent de libérer la parole, d’apprendre à se connaître. À partir des anecdotes qui sont amenées et du vécu des un et des autres -ou plutôt des unes et des unes ici-, des histoires émergent, on procède à un tri et les saynètes se créent. Tout part vraiment du groupe, chaque personne co-inlfuence ce qui va se passer au final. Mon rôle est un peu celui d’une guide. J’accompagne les personnes et je fais en sorte qu’elles se sentent en sécurité sur scène. Ce qui m’importe le plus, c’est qu’à l’issue du projet, elles soient fières, qu’elles se sentent légitimes, renforcées dans leur capacité à prendre la parole. 

À quoi le public peut-il s’attendre?

Ce n’est pas une pièce classique au sens littéral du terme, c’est plutôt une succession de tableaux,  d’installations avec parfois des interventions plus participatives qui viennent interroger le public. Je n’appelle pas ça une pièce d’ailleurs, mais un rendu public.

Cela doit être un vrai challenge pour les participantes, qui sont non-professionnelles.

J’ai confiance en ma méthode de travail parce que j’ai l’ai mise à l’épreuve de la réalité plusieurs fois. Je suis convaincue que tout le monde est créatif, ce sont juste les chemins de vie qui font que l’on se prive de ça. Chaque individu a non seulement la capacité d’avoir des choses à dire mais aussi de trouver des manières fortes et sincères de les exprimer.

Qu’est-ce qui ressort au niveau des échanges sur cette thématique?

Ce qu’on appelle "sexisme ordinaire" pour moi, ça évoque surtout le côté fréquent, banal. Dans le groupe, on parle pas mal de précarité et comment sexisme s’articule avec pauvreté. On parle de racisme aussi. La prise de parole et la soumission, cela revient pas mal chez certaines d’entre elles également. Au final, toutes les formes d’oppression, qu’elles soient racistes, sexistes, capitalistes, finissent par se répondre. Il y en a qui étaient déjà sensibilisées et conscientes du poids du patriarcat, d’autres moins mais qui en ont maintenant un vécu plus fort au quotidien. Certaines amènent donc la réalité que d’autres dénoncent mais sans la vivre elles-mêmes. C’est un peu une rencontre entre le concret, le quotidien et l’idéologie.

Une fois que ce rendu public a été fait, qu'est-ce qui se passe?

Chacun retourne dans sa vie, avec on l'espère avec un petit truc qui a changé! C'est toujours intéressant d'avoir un public parce que c'est motivant, mais je dirais que le principal, c’est surtout le processus, que les gens qui participent se remettent en contact avec leur imaginaire, leur créativité, leur force d'action et qu'ils se sentent moins seuls aussi avec des problématiques qui sont souvent communes. 

(1) Femmes Prévoyantes Socialistes
(2) Présence et Action Culturelles


Lexique

Patriarcat: forme d'organisation sociale dans laquelle l'homme exerce le pouvoir dans le domaine politique, économique, religieux, ou détient le rôle dominant au sein de la famille, par rapport à la femme.

Féminisme: mouvement de lutte pour l'égalité entre les genres. Cela englobe l'égalité politique, économique, culturelle, personnelle, sociale et juridique.

Sexisme: attitude discriminatoire fondée sur le sexe.

Féminicide: meurtre d’une femme, d’une jeune fille ou d’une enfant en raison de son sexe.

Genre (en sociologie): système de catégorisation hiérarchisée entre les sexes (hommes/femmes) et entre les valeurs et représentations qui leur sont associées (masculin/féminin).