Lorsque l’on sème des graines, il faut du temps avant d’engranger des récoltes. Du temps, nous commençons à en manquer pour opérer cette fameuse transition alimentaire, qui consisterait à repenser notre mode de consommation actuel hyperindustrialisé et peu soucieux de l’environnement.

Après la rencontre énergisante avec les deux maraîchères du Potager d’Isalie, nous avons souhaité continuer à faire germer de nouvelles réflexions.

Pour cela, nous avons discuté avec Renaud Keutgen, animateur "communauté territoriale" au RATaV (Réseau Aliment-Terre de l’arrondissement de Verviers), un réseau qui vise à inciter, encadrer et accompagner la relocalisation d’un système alimentaire sur le territoire des 20 communes francophones de l’arrondissement de Verviers.


Le RATaV est également actif dans la mise en place du Festival "Nourrir Verviers", proposé entre le 20 et le 26 juin dans de nombreux arrondissements verviétois.

Interview
"Consommer, c’est plus puissant que d’aller voter."



Pourriez-vous me présenter le RATav et ses missions?


Le Réseau alimentaire de l’arrondissement de Verviers existe depuis 2017. Notre objectif est de nous positionner en tant qu’acteur principal sur le territoire en termes de circuits courts. Au niveau de nos actions, nous travaillons sur l’aspect sensibilisation et éducation.

Nous avons également tout un volet consacré au soutien des producteurs, où nous réfléchissons sur comment les circuits courts fonctionnent, où nous analysons ce qui est produit localement et quels sont les besoins, de manière à voir quelles sont les pistes d’amélioration.

Le troisième axe concerne la gouvernance, avec la mise en place d’un conseil de politique alimentaire, qui réunit des producteurs, des élus, des citoyens, etc. L’idée est que ce conseil devienne un organe consultatif, qui s’inscrit dans une politique générale à l’échelle de l’arrondissement.

Au fil de vos actions, quelles sont les avancées et les difficultés rencontrées?

Nous faisons un travail de proximité, mais nous ne sommes actuellement que trois travailleurs ·euses pour 20 communes, nous voudrions pouvoir faire plus! Nous essayons actuellement d’obtenir des financements qui permettraient d’agrandir l’équipe. Ce que l’on constate par ailleurs, c’est que les circuits courts alimentaires n’ont jamais été aussi importants, cela devient un enjeu essentiel.

La situation de l’économie mondiale avec la guerre en Ukraine et l’augmentation des prix de l’énergie, les conclusions du dernier rapport du GIEC et les enjeux climatiques endéans les 3 prochaines années… Il n’y a jamais eu autant de vérités sur l’importance de relocaliser son alimentation et pourtant, les circuits courts ont beaucoup de mal à exister.

C’est assez frustrant de voir toute une série d’initiatives locales fermer leurs portes, de voir des producteurs qui s’étaient lancés faire marche arrière. Les crises actuelles, le COVID, la guerre, le coût des énergies montrent l’intérêt du circuit court, mais montrent aussi que le client va au moins cher pour sauver son budget.

Cela reste une idée très ancrée, que l’alimentation locale coûte plus cher.

Le circuit court n’est pas plus cher, ce sont les produits moins chers qui sont trop bon marché. Cela signifie qu’il y a quelqu’un qui paye cette différence, soit socialement, soit environnementalement. C’est contre-vertueux, c’est creuser le trou encore plus vite et ça ne fait qu’empirer le problème.

J’en arrive à me demander s’il ne faudrait pas que les problèmes s’accélèrent, car cela forcera la prise de conscience. Évidemment, c’est un peu violent de dire cela, car on sait que ce sera toujours plus facile pour les plus riches, les premières personnes impactées par les crises, ce sont les plus fragiles. Je ne souhaite pas qu’il y ait des pénuries dans les supermarchés, car on sait que les plus pauvres en subiraient les conséquences. Et dans le même temps, comment faire pour accélérer le changement?

L’accessibilité de l’alimentation locale est sans doute l’un des enjeux majeurs aujourd’hui, nous y travaillons notamment à travers la sécurité sociale alimentaire comme nouveau pilier à la sécurité sociale.

Notre maraîchage en Belgique nous permettrait-il de nourrir l’ensemble de la population?

Que ce soit au niveau du maraîchage ou d’autres produits, nous ne sommes quasiment autonomes en rien. Il y a de la marge bien sûr, le citoyen peut allègrement aller chez le maraîcher et autre producteur, mais il y a clairement de la place pour de nouveaux sites de production.

Le RATav souhaite encourager de nouvelles installations, car la pression financière sur les producteurs est très forte. On sait que dans les dix années à venir, la majorité des agriculteurs vont partir à la retraite et que ces fermes ne vont pas forcément être reprises en intrafamilial, il faut donc pouvoir inciter des personnes non issues du monde agricole à avoir accès à ces outils parfois très coûteux. Pour cela, une solution serait de décaler le poids du foncier et des investissements.

L’ASBL Terre en Vue est un exemple de ce type d’aide : organisée en coopérative, cette organisation se dédie à l’achat de terres agricoles gérées en biens communs.



Ces outils de sensibilisation, ces organisations collectives peuvent-ils se faire sans l’appui du politique?

Il y a des appuis, mais ils ne seront réellement efficaces que si la direction politique choisie est encore plus claire. Actuellement, de nouvelles aides émergent, tout en gardant les autres. Que la Région wallonne continue par exemple à subsidier à hauteur de 20 millions d’euros un aéroport comme Bierset, qui permet notamment son extension et l’installation d’une entreprise telle qu’Alibaba (NDLR : géant chinois de l’e-commerce), c’est poser un choix contre les enjeux climatiques et sociaux d’aujourd’hui et de demain.

Selon moi, un système de vases communicants doit s’opérer. Malheureusement, il y a actuellement peu de vision politique à long terme. Qu’est-ce qu’une entreprise comme Alibaba va nous apporter de bon? Est-il pertinent d’injecter de l’argent public dans ce type d’outils? Un emploi créé dans le cadre logistique d’Alibaba, c’est deux ou trois emplois détruits chez des indépendants qui cherchent à produire localement ou qui s’engagent au sein de coopératives. Actuellement, les gens qui travaillent à produire de l’alimentation de façon durable sont indépendants, ils prennent tous les risques, or nous avons tous besoin de maraîchers.

Que convient-il de faire alors pour rendre cette ceinture alimentaire plus concrète autour de Verviers?

Changer ses habitudes de consommation, c’est plus puissant que d’aller voter. C’est étonnant par exemple d’entendre les politiques tenter de trouver des solutions pour diminuer l’impact de l’augmentation de l’essence et du diesel, cela m’interroge : diminuer les accises, c’est autant d’argent qui ne va pas à l’État, c’est continuer d’une certaine manière à encourager la poursuite de l’usage du véhicule personnel. Si on maintenait les accises au même niveau, ne pourrait-on pas enfin favoriser les transports en commun, améliorer le système actuel?

On sait que l’on arrive au terme des énergies fossiles, plutôt que de mettre des pansements et de nous faire croire que l’on va tous pouvoir continuer à vivre comme d’habitude, pourquoi ne financerait-on pas les transports différemment? Pour moi, le citoyen a un rôle à jouer, avec toutes les difficultés que cela comporte, parce que c’est plus simple de faire comme on a toujours fait, le changement fait peur, il est difficile.

L’intérêt d’un festival comme "Nourrir Verviers" justement, c’est d’essayer autant que possible d’avoir un petit impact, en mettant en valeur les alternatives qui sont au plus proches de nous. Il y a beaucoup de gens qui sont dans ce chemin et sans doute de plus en plus, c’est là qu’il faut agir.

Vous considérez-vous comme optimiste ou pessimiste? 

Il n’y a pas de réponses toutes faites, je dirais que ça dépend des jours! Je pense être plutôt optimiste, parce que je suis dans le faire, j’ai la chance de travailler au RATav depuis plusieurs années, d’être fondateur d’une coopérative maraîchère "Vent de Terre" et d’une coopérative céréalière "Histoire d’un grain", j’ai soutenu d’autres projets comme "Terre d’Herbage"… Cela me donne la conscience de ce qui existe déjà, il y a des outils, ce n’est pas encore suffisant, mais cela montre déjà la voie et cela peut encourager d’autres à le faire.

La transition, on ne la réussira que si c’est "fun". Alors oui, on va certainement dans les années qui viennent devoir se priver de certaines choses, car on vit aujourd’hui dans un confort sans doute excessif par rapport à d’autres endroits du monde. Même si nous nous dirigeons vers certaines difficultés, je pense que l’on peut montrer qu’il est possible de vivre avec moins, mais mieux. Si on parvient à faire rayonner cette idée, à donner envie au plus grand nombre, alors on aura gagné. J’espère que "Nourrir Verviers" et toutes les activités proposées sèmeront ces petites graines, c’est tout ce qu’on souhaite! GO!


Local
Ça se passe pas loin de chez nous!

Parce que souvent, on a l’impression que les initiatives prennent place ailleurs… Retrouvez ci-après 10 coopératives et bien plus d’acteur·trices de changement dans la région Verviétoise!

> SCAR 



SCAR (Sociétés coopératives agricoles réunies des régions herbagères) fabrique des aliments pour bétail et pour animaux de compagnie, dont du bio. La coopérative distribue aussi du combustible.

Rue des Martyrs, 23 – 4650 Herve | 087 67 89 99 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.scar.be

> Terre d’Herbage



Terre d’Herbage a été créée pour répondre au besoin des producteurs locaux de développer leurs réseaux de commercialisation. Il s’agit d’un outil coopératif au service de la logistique et de la distribution des produits locaux des agriculteurs et transformateurs du territoire. Le réseau de clients de THB est composé de magasins des producteurs, coopératives citoyennes, épiceries, etc. THB propose également la distribution des produits en collectivités et restaurants. L’ambition de la coopérative est de disposer d’un point de vente de produits locaux accessibles aux citoyens consommateurs afin d’alimenter le lien avec les producteurs.

Rue ol'z-eyos, 9 – 4960 Malmedy | 0477 37 55 22 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.terredherbage.be

> Lait de la Baraque



Cette coopérative réunit des producteurs porteurs de projets, passionnés et inspirés des écosystèmes naturels, et produit un lait équitable et écologique, aux saveurs du Terroir de Haute Ardenne.

Facebook: LaitdelaBaraqueCette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.

> Invent’terre



La coopérative à finalité sociale Invent’terre oeuvre dans le but de "créer des modèles de production alternatifs durables qui participent au développement de la souveraineté alimentaire de Verviers". Maraîchage, formation, réseaux de distribution, couveuse de projet… Une boutique est également accessible sur le champ Al'Trappe à Dolhain les mercredis, vendredis et samedis.

Champs Al'Trappe, Route de la Ferme Brûlée, 4 – 4830 Limbourg | 0492 94 42 96 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.inventterre.be

> Porc Qualité Ardenne



Porc Qualité Ardenne (P.Q.A.) rassemble des éleveurs désireux de produire de la viande de porc de qualité, dans des élevages de taille familiale et dans le respect du bien-être animal.

Avenue de Norvège, 14 – 4960 Malmedy | 080 770 372 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.pqa.be  

> Marguerite Happy Cow



Marguerite Happy Cow est une coopérative laitière durable au Pays de Herve. Le lait de qualité différenciée de Marguerite est collecté dans les fermes de la coopérative et est utilisé pour produire des fromages. La transformation en fromages est également une activité locale: elle est créatrice de valeur et génératrice d’emplois durables, car basée sur un réel savoir-faire régional ou d’autres produits laitiers de qualité.

Rue de Charneux, 32 – 4650 Herve | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.margueritehappycow.be

> Vin du Pays de Herve



Vin du Pays de Herve est une coopérative à finalité sociale. Elle a 8 hectares de vignes sur Aubel, Thimister-Clermont, Hombourg et Montzen. À ce jour, plus de 700 coopérateurs ont réuni plus de 1.000.000 euros. En septembre 2020 et 2021, les premiers milliers de litres de jus sont passés des cuves vers les bouteilles: plusieurs milliers de bouteilles de vin tranquille et 4.000 bouteilles de vin effervescent!

Rue de Teberg, 50 – 4850 Montzen | 0472 49 37 09 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.vindupaysdeherve.be

> Unis Verts Paysans



Le leitmotiv d’Unis Verts Paysans est de soutenir l’activité des petits producteurs locaux tout en encourageant la souveraineté alimentaire et l’accès à une alimentation de qualité, préférentiellement biologique, au plus grand nombre. L’une de leurs actions a été l’ouverture d’un point de vente dans un lieu bien connu des Malmédiens, le Globe. Ce point de vente doit soutenir les producteurs par un prix d’achat juste et rassembler leurs productions au centre-ville. Ce lieu n’a pas uniquement une mission commerciale, mais se veut aussi être une plateforme de rencontre entre les consom'acteurs et les producteurs.

Chemin rue, 14 – 4960 Malmedy | 080 34 14 58 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.unisvertspaysans.be

> Vervîcoop



Vervîcoop est un "super" marché coopératif à but non lucratif et à finalité sociale. Il est géré par ses membres, pour ses membres: les coopérateurs. La participation active de tous les membres-coopérateurs à la gestion du magasin permet l’accès à des produits de qualité, prioritairement issus de l’agriculture durable et de circuits courts. Ce mode de fonctionnement favorise l’économie locale et permet de payer les producteurs au prix juste. Tout en redonnant du sens à la consommation, Vervîcoop souhaite donner naissance à un lieu d’échanges, de solidarité, de partage et de sensibilisation aux enjeux alimentaires actuels.

Rue de Heusy 28-30 – 4800 Verviers | 087 45 08 07 | www.vervicoop.be  

> Histoire d’un grain



Créée en 2018, la coopérative Histoire d’un grain a pour objet principal la production et transformation de céréales panifiables sur le plateau de Herve. Le pain habituellement consommé dans notre région contient moins de 8 % de céréales wallonnes et les moulins wallons représentent 2 % de la meunerie belge (source : Nature & Progrès). En termes de résilience, qui plus est concernant un produit alimentaire de base, la situation est catastrophique! C’est pourquoi Histoire d’un grain souhaite développer une offre locale et complètement intégrée "du grain au pain".

Rue de La Chapelle, 36 – 4630 Micheroux | 0474 22 98 11 | Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser. | www.histoiredungrain.be