Nous évoquions dans le dossier du mois de février les discriminations basées sur le sexe et les rôles arbitraires liés au genre.

Des discriminations, il y en a bien d'autres dans nos sociétés, parfois isolées, parfois cumulées, elles véhiculent l’idée que les différences sont prétextes à exclusion.

En Belgique, il existe trois lois fédérales qui constituent la législation anti-discrimination : la loi dite "Genre", la loi dite "Anti-racisme" et la loi dite "Anti-discrimination".

Ces textes distinguent ensemble 19 critères de discrimination, sur base desquels la discri- mination est interdite et punissable :

‒ Loi Genre : sexe

‒ Loi Anti-racisme : nationalité, origine ethnique ou nationale, soi-disant "race", couleur de peau et ascendance

‒ Loi Anti-discrimination : handicap, âge, conviction religieuse ou philosophique, orientation sexuelle, fortune, état civil, conviction politique, conviction syndi- cale, état de santé, caractéristique physique ou génétique, naissance, origine sociale, langue.

Inégalités/discriminations, même combat?

Les lois fédérales protègent donc les potentielles victimes de discrimination. Toute discrimination constitue en effet une forme d'inégalité... mais toutes les inégalités ne sont pas illégales. On peut faire l'objet d'une condamnation par la justice pour discrimination, pas pour un traitement inégalitaire. Il est par exemple illégal de refuser de louer un appartement à une personne du fait de sa cou- leur de peau (discrimination), mais pas parce que ses revenus sont insuffisants (inégalité). Malheureusement, au quotidien, les frontières entre ces deux concepts sont ténues. Les textes de loi ne suffisent pas toujours à enrayer les mécanismes qui créent ce sentiment d'injus- tice et d'urgence, qu'elles prennent la forme d'inégalités ou de discriminations.

Réflexion
Le droit à la chance

Le concept d'égalité des chances est directement en lien avec l'égalité en droit, mais va un cran plus loin....

Plus encore de dire que les individus devraient avoir les mêmes droits, l’égalité des chances signifie qu'ils devraient avoir les mêmes opportunités pour se développer et gravir l'échelle sociale. Proche du concept d'équité, l'égalité des chances envisage que des avantages puissent être octroyés aux victimes d’inégalités. La discrimination positive en est un exemple parlant. Elle peut être une politique, une mesure ou une loi qui vise à donner un traitement préférentiel à certains individus.

Par exemple, donner du temps supplémentaire à un élève handicapé pour passer un examen afin qu’il puisse avoir les mêmes chances que les autres de réussir. Autre exemple, donner plus d'argent à une école fréquentée par des élèves en difficulté pour viser plus d'égalité sociale.

La notion d’égalité des chances soulève de nombreux débats. En effet, certains pensent que la discrimination positive ne résout pas les inégalités mais en créent d’autres, sans remettre en cause les mécanismes structurels.


Interview
Unia: soutenir, sensibiliser, prévenir

Rencontre avec Caroline Rosillon, Responsable de projet pour la zone Liège-Verviers chez Unia, Centre Interfédéral pour l'Égalité des Chances.



Sur les 3 lois qui encadrent la discrimination, quels sont les critères pour lesquels Unia est compétent?

Nous sommes compétents pour tous les critères liés à la législation an-tidiscrimination, sauf celui qui concerne le genre, car c’est l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes qui s’en occupe à part entière. La langue ne fait pas partie de nos attributions non plus, car il s’agit d’un critère pour lequel aucune institution n’a été mandatée. Toutefois, une personne qui se trouve discriminée sur cette base peut contacter Unia, le critère de l’origine permettra de défendre le cas. Dans le décret de la Région Wallonne, un vingtième critère a été ajouté, il concerne la composition de famille, car dans le domaine du logement notamment, on constate une forte discrimination visant les familles monoparentales, en particulier pour les femmes célibataires avec enfants. Ce nouveau critère permet de mieux protéger les personnes face à ce genre de situation.

Comment s’organise la lutte contre ces discriminations chez Unia?

N’importe qui, qui se sent victime ou qui est témoin d’une forme de discrimination dans tous les domaines de la vie en société couverts par la loi peut nous faire un signalement, anonyme ou non, via notre formulaire en ligne, notre ligne d’appel gratuite ou sur rendez-vous lors de l’une de nos permanences. La première étape sera de voir s’il s’agit bien d’une discrimination au sens de la loi. Nous essayons en général de passer par le dialogue avec la partie mise en cause. S’il y a vraiment un blocage et que nous avons assez d’éléments à notre disposition, nous allons en justice, mais cela concerne 1 % de nos dossiers.

Cela peut être compliqué de faire un signalement, pour tout un tas de raisons propres à chacun...

En effet, c’est pour cela que nous sommes très prudents lorsqu’on présente les chiffres d’Unia, nous sommes bien conscients que cela ne reflète pas la réalité des discriminations qui existent. Ce sont finalement les publics les plus fragilisés qui ne vont peut-être pas prendre le temps de lutter contre cela, soit parce qu’ils ont intégré ces discriminations comme quelque chose de banal et qu’ils ont d’autres problèmes à traiter, soit parce qu’ils ne connaissent pas leurs droits, soit encore parce qu’ils n’ont pas confiance dans les institutions, ou qu’ils ne nous connaissent pas.

Comment remédier à cette difficulté de "notoriété"?

Une autre dimension de notre travail concerne la sensibilisation, la formation et l’accompagnement. L’un de nos objectifs pour 2020 au niveau de la Wallonie est de dispenser nos formations sur la loi anti-discrimination aux personnes de première ligne dans les services publics, le personnel de CPAS par exemple. Ces acteurs intermédiaires peuvent ainsi donner une information correcte à leurs usagers, car nous avons malheureusement aussi beaucoup de signalements qui concernent des faits pour lesquels Unia n’est pas compétent.

Le changement ne doit-il pas se faire aussi de façon plus "viscérale" dans nos sociétés?

Nous agissons aussi au niveau structurel, nous remettons des avis et des recommandations aux politiques très régulièrement pour pouvoir lutter contre les discriminations en amont. Nous avons publié en 2019 un mémorandum avec des propositions d’ac- tions concrètes à tous les niveaux de pouvoir. L’une de ces propositions concerne la réalisation de testing, c’est-à-dire le fait d’autoriser le contrôle d’une entreprise via l’envoi de CV pour voir s’il y a des discriminations sur base de critères raciaux ou de handicap. Ces tests proactifs permettent de cibler nos actions de sensibilisation et de prévention. Nous parlons ici du secteur de l’emploi, mais cela pourrait aussi concerner d’autres domaines, comme le secteur immobilier.

Quelles sont les chevaux de bataille d’Unia pour l’année à venir?

Les chiffres pour 2019 vont sortir ces prochaines semaines mais chaque année, on observe que le "top 3" est à peu près le même, avec des discriminations qui se concentrent malheureusement dans les secteurs du logement, du travail et de l’emploi. Il y a aussi l’enseignement et les médias, tout ce qui concerne les discours de haine, sur les réseaux sociaux entre autres. C’est un travail important mais très compliqué, qui demande là aussi des actions plus structurelles. Les critères les plus concernés par les discriminations restent les critères raciaux et le handicap.

Contacter Unia Liège-Verviers
0479 99 28 21 et 0473 13 00 90 - Numéro gratuit : 0800 12 800 - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
Permanence sur rendez-vous uniquement le jeudi de 13h à 16h30 - Espace Wallonie (Rue Coronmeuse, 46 à 4800 Verviers)


Interview
La Maison de l'Égalité des Chances

C'est pour soutenir le tissu associatif verviétois qu'a été créé en 2005 La Maison de l'Égalité des Chances et des Associations, située rue Lucien Defays à Verviers.



"Il s'agissait au départ essentiellement d'une mise à disposition de locaux, mais le projet a évolué au fil du temps et vit maintenant aussi de la rencontre entre les associations, cela donne parfois des partenariats étonnants" explique Sophie Lambert, Échevine du Logement, de la Santé, des Affaires sociales et de l'Égalité des Chances à la Ville de Verviers.

Une cinquantaine d'associations actives dans des domaines variés profitent ainsi de la MECA pour développer leurs projets, même si elles sont parfois un peu à l'étroit : "Il y a la volonté d'avoir une seconde Maison de l'Égalité sur le site de la plaine Peltzer, c'est un projet ambitieux qui permettrait un accès facilité aux personnes à mobilité réduite et qui comprendrait une école de devoirs, une plaine de jeux, un parc-école pour apprendre ou réapprendre le code de la route". Sophie Lambert évoque également les projets menés par son échevinat "Nous mettons en place des actions par public cible, à destination des aînés ou des femmes par exemple. Notre volonté est de faire en sorte que les personnes disposent des mêmes chances et des mêmes opportunités de développement, quel que soit leur origine, sexe ou convictions religieuses... il y a du travail!".